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Voici comment l’intervenant Philippe Cabrol nous a présenté : 

Printemps, été, automne, hiver…..printemps de Kim-Ki-duk

Parfait autodidacte, cinéaste prolifique, Kim-Ki-duk est une des figures les plus atypiques du cinéma coréen. Il a dirigé plus de 20 films, dont 10 films en huit ans. En 2003, Printemps, été, automne, hiver… et printemps est un succès d’estime à l’international, Prix du public au Festival de San Sebastian Kim-Ki- duk est décédé en décembre 2020 du COVID-19 en Lettonie, à l’âge de 59 ans.

Un enfant grandit auprès d’un vieux moine. Le rythme des saisons accompagne les cycles de la vie du jeune disciple. Ce dernier connaîtra la perte de l’innocence, la passion qui consume l’esprit et les sens, la jalousie et ses pulsions destructrices, la rédemption et l’expérience, avant de devenir à son tour un maître.

Ce film est un conte philosophique d’inspiration bouddhiste. Il propose une analogie entre le rythme des saisons et la vie d’un moine. Chaque saison représente une des étapes de la vie et une des appréhensions de la réalité et de la spiritualité. Le cinéaste instaure une unité de lieu (on ne s’éloigne jamais du temple flottant) mais une diversité temporelle : les cinq saisons correspondent à une étape de la vie du disciple. L’indispensable pari de l’unité de lieu garantit en toute logique la sérénité centrifuge et contemplative du film.

Dès le début du film, une grande porte s’ouvre lentement sur un décor paradisiaque, montrant des reliefs de la province coréenne, une nature bourgeonnante, un lac de quiétude, et posé en son centre, un lieu de culte, à peine relié par une fragile barque au monde vrombissant. L’eau est partout présente : lac, cascades, ruisseaux et ruissellements… Des portes s’ouvrent mais il n’y a pas de murs. Ces portes sans murs, par lesquelles on passe quand même, symbolisent la règle que l’on se donne pour conduire sa vie. Nous sommes plongés d’emblée dans un univers symbolique où tout a un second niveau de sens par-delà celui qui s’offre au regard. A chaque saison correspondent des symboles: le chien puis, à la fin, la tortue qui symbolisent le monde de l’enfance illustrent le printemps . Avec l’été le coq signifie l’éveil des sens et de la pulsion sexuelle. Le chat (Automne) signifie le destin auquel on ne peut échapper mais il est aussi l’animal de la méditation et de la sagesse. Le serpent (Hiver) vient au temps de la maturité, il incarne aussi l’immortalité, l’infini, et les forces sous-jacentes menant à la création de la Vie.

Ce film est riche de symboles et d’enseignements. La spiritualité bouddhiste affirme que l’homme doit se défaire de ses illusions et prendre conscience des réalités qui constituent la trame de son existence. La nature est omniprésente dans ce film et en particulier la montagne qui est un symbole fort pour les Coréens : c’est l’origine des mythes, donc le commencement et la fin de toutes choses. Elle symbolise aussi la mère. L’ascension de la montagne par le moine, avec la pierre et la statuette, à la fin du film, exprime l’union des forces spirituelles et physiques. Le film nous montre que ces deux univers doivent s’harmoniser, trouver un équilibre au cours de notre existence.

Ces symboles nous entraînent sur un chemin initiatique qui peut nous dérouter mais qui a sa cohérence profonde. Dans le bouddhisme, il s’agit de dépasser les apparences pour accéder à la sagesse dans laquelle le monde prend tout son sens . Le bouddhisme est une sagesse. Elle repose sur la loi du karma, le recommencement perpétuel de toute chose. Le destin s’impose à chacun mais cela n’empêche pas d’être que tout humain soit responsable de ses actes Le vieux moine a pour objectif de le faire comprendre à son disciple

Printemps, été, automne, hiver… et printemps est à la fois un film simple et complexe en raison de sa double thématique : l’apprentissage d’un côté et l’expiation de l’autre. Si nous avons mal agi, nous devrons expier. Ce thème est au centre du film : l’enfant qui a tué le poisson et le serpent comme le jeune homme qu’il devient et qui tue sa femme par esprit de possession doit payer, sinon dans une future réincarnation il régressera. Il va subir sa peine mais après que le sutra qu’il grave sur le parquet du temple à s’ensanglanter les mains ait laissé sa colère s’apaiser.

Ce film traite des thèmes chers à Kim-Ki-Duk l’eau salvatrice ou punitive , « un héros à la marge » personnage solitaire, isolé, en marge de la société, que ce soit volontaire ou non, la cruauté, la femme, le poids de l’existence. Tourné dans la réserve naturelle de Jusan, en Corée dans la dans la province de Gyeongsanbuk, dans le centre du pays, Printemps, été, automne, hiver… et printemps est une splendeur graphique , évoquant l’existence humaine dans toute sa profondeur et son dépouillement.